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Apocalypse Verdun voir ce complet film regarder en ligne avec sous-titres anglais

« Apocalypse Verdun ». la guerre à la télé, revue et colorisée

Le documentaire relance le débat autour du traitement des images d’archives (dimanche 21 février, à 20 h 55, sur France 2).

Le Monde | 20.02.2016 à 10h13 • Mis Ă  jour le 21.02.2016 à 22h21 | Par Antoine Flandrin

Documentaire, Ă  20 h 55, sur France 2

Le documentaire « Apocalypse Verdun » relance le débat autour du traitement des images d’archives.

Très peu d’images furent tournées par les services cinématographiques des arm ées française et allemande durant les trois cents jours de la bataille de Verdun, en 1916. Les reporters de guerre, bloqués à l’arrière par la hiérarchie militaire, ne purent accéder aux premières lignes qu’à la fin de la bataille. Aucun assaut ne fut filmé.

De ces lacunes, l’historien Daniel Costelle et la réalisatrice Isabelle Clarke, auteurs d’« Apocalypse Verdun », étaient bien avertis. Dix minutes avaient déjà été consacrées à cette bataille dans « Apocalypse, la première guerre mondiale » (6,2 millions de téléspectateurs de moyenne pour chacun des cinq épisodes en 2014). Leur équipe a trouvé des images inédites tournées à l’arrière, notamment la séquence d’ouverture qui montre des combattants traumatisés marchant nus en cercle dans la cour d’un hôpital psychiatrique.

Restait à raconter les combats. De nombreux réalisateurs de documentaires n’avaient pas hésité à piocher dans l’abondant corpus des images d’archives tournées pendant l’offensive de la Somme, cette autre grande bataille du front occidental de 1916. Les cameramen alliés furent autorisés à couvrir l’événement, les Allemands y filmèrent des reconstitutions de combats, tandis que l’opérateur français Emile Pierre enregistra le premier véritable assaut.

Colorisation et reformatage

Costelle et Clarke ont puisé dans ces séquences, ainsi que dans les images des films de fiction, tel Verdun, visions d’histoire , de Léon Poirier (1928). L’accent a surtout été mis sur les images de préparation massive d’artillerie pour montrer l’entrée en guerre dans l’ère industrielle. L’avalanche d’obus qui illustre l’offensive allemande du 21 février 1916 – cela va sans dire – n’a pas été filmée ce jour-là. « En revanche, les sons que nous entendons sont ceux des 105 mm allemands, certifie Daniel Costelle. Pas au décibel près, bien entendu, sinon on n’entendrait pas la voix de Mathieu Kassovitz. »

Sonorisation hyperréaliste, colorisation, reformatage en 16/9 de ces images muettes tournées initialement en 4/3… La série « Apocalypse », créée en 2009, s’est évertuée à perfectionner ces procédés techniques, ce qui n’a pas fait taire pour autant les critiques. En 2014, l’historien du cinéma Laurent Véray avait dénoncé « une spectacularisation de l’histoire » et « une manipulation portant atteinte à l’intégrité des images » .

« Les documentaires d’histoire ne peuvent être réservés aux seuls historiens, s’emporte Daniel Costelle. Lorsque nousremettons en couleur, nous ne laissons rien au hasard. Les nuances sont infinies et il n’y en a qu’une historiquement exacte. Nos équipes d’historiens analysent avec minutie tous les témoignages, photos, objets, pour donner aux techniciens de la vidéo les bonnes indications. »

Pour Xavier Sené, chef du pôle des archives de l’Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (Ecpad), qui coproduit la série « Apocalypse », la colorisation et le fait que de nombreuses séquences ne correspondent pas aux événements cités ne portent pas préjudice à l’image d’archives. « Cela ne nous gêne pas, dit-il. “Apocalypse” procède de cette manière pour intéresser le grand public. »

Dans la lignée de France Télévisions, d’autres chaînes exigent désormais que les documentaires historiques soient colorisés. « Aujourd’hui, si vous désirez passer en prime time, vous y êtes obligé », explique Michaël Prazan, auteur notamment de Das Reich, une division SS en France (2014). Initialement opposé à la colorisation, il s’y est plié « par pragmatisme ». non sans mener une réflexion pour trouver la manière la plus adéquate d’utiliser ce procédé. « Comme je voulais que cela reste réaliste, j’ai imposé une colorimétrie Agfa film 1943, afin d’uniformiser avec certaines archives en couleurs. »

Toutefois, les institutions qui gèrent les droits d’exploitation des images d’archives ne sont pas toutes favorables à la colorisation. C’est le cas de l’Imperial War Museum (IWM), qui accorde le droit de coloriser ses images au cas par cas.

« Plans parfois audacieux »

Pour nombre de réalisateurs, le reformatage des images tournées initialement en 4/3 est bien plus problématique. C’est ce que pense Serge de Sampigny, auteur de Verdun, ils ne passeront pas (2016). « Pour passer au 16/9, il faut zoomer dans l’image. Plus que l’information contenue dans l’image, on perd en qualité, en grain ». regrette-t-il.

« Lorsqu’on conforme des séquences en entier, on déforme inévitablement l’image. analyse Michaël Prazan. Il arrive que les personnes soient déformées, les corps atrophiés. » Laurent Véray loue pour sa part « le respect des formats d’origine, montrés à la bonne cadence qui permet de mettre en valeur les plans parfois audacieux, souvent remarquablement composés réalisés par des opérateurs qui étaient des professionnels maîtrisant la technique de prise de vues ». Daniel Costelle se défend, lui, de « couper » dans l’image. « Ça se joue à quelques millimètres près, assure-t-il. Il peut arriver qu’un morceau de casquette ou de doigt disparaisse, mais le visage du soldat est là. »

Fidèle aux précédents volets de la série, Apocalypse Verdun ne s’attarde pas sur les questions épineuses de la colorisation et du recadrage. Elles seront toutefois abordées au cours du débat qui suivra le documentaire. Marie Drucker a invité le comédien Philippe Torreton, le cinéaste Volker Schlöndorff, les historiens Antoine Prost et Elise Julien, ainsi qu’Isabelle Clarke et Daniel Costelle à discuter notamment de la place de la bataille de Verdun dans les mémoires française et allemande.

Apocalypse Verdun. d’Isabelle Clarke et Daniel Costelle. Dimanche 21 février à 20 h 55 sur France 2.